L'expansion des projets pétroliers de la RDC met en danger les écosystèmes et les communautés

L'expansion des projets pétroliers de la RDC met en danger les écosystèmes et les communautés

Malgré une opposition locale et internationale généralisée, la République démocratique du Congo (RDC) a lancé un nouveau cycle d'octroi de licences pour 52 blocs pétroliers (en plus des 3 blocs concédés sous licence à CoMico) couvrant une superficie impressionnante de 124 millions d'hectares, ce qui représente une expansion significative et préoccupante par rapport à l'appel d'offres de 2022.

Des activistes du changement climatique tiennent une bannière alors qu'ils participent à une marche à Kinshasa, le 23 septembre 2022. - Des centaines de militants pour le climat ont manifesté à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo, le 23 septembre 2022, a constaté un journaliste de l'AFP, à l'approche d'un sommet sur le climat qui doit se tenir dans la ville le mois prochain.

(Photo by Arsene Mpiana / AFP) (Photo by ARSENE MPIANA/AFP via Getty Images)

Alors que le ministère des Hydrocarbures insiste sur le fait que le processus soit plus transparent et qu'il exclut la plupart des aires protégées, de nouvelles analyses spatiales montrent une réalité différente. Les cartes issues du dernier appel d'offres révèlent à quel point ces blocs empiètent sur des zones écologiques et vitales. Du projet très loué du Couloir Vert au Congo à ses aires protégées, ses forêts et ses terres autochtones, les données montrent que des paysages essentiels restent fermement dans le collimateur de l’expansion de cette activité extractive.

Les défis persistent pour les aires protégées et les écosystèmes critiques dans un contexte de nouveaux développements

Les nouveaux blocs pétroliers suggèrent que la RDC a répondu aux appels visant à maintenir les activités pétrolières et gazières hors des aires protégées de grande visibilité, une victoire durement acquise pour les défenseurs de l'environnement. Des sites remarquables tels que le parc national des Virunga, qui risquait d'être directement chevauché par des blocs pétroliers lors du cycle d'octroi de licences de 2022, ont été exclus des blocs de 2025. Si ces progrès sont encourageants, la situation générale reste profondément préoccupante.

Malgré des ajustements visant à éviter certaines aires protégées, le chevauchement persiste : 8,3 millions d'hectares des nouveaux blocs pétroliers[1] intersectent des aires protégées, et 8,6 millions d'hectares empiètent sur des zones clés pour la biodiversité internationalement reconnues.

Le paysage de Fizi près de Sebele (premier plan) avec le lac Tanganyika et la péninsule d'Ubwari en arrière-plan.

Par ailleurs, les nouvelles concessions ont été soigneusement délimitées afin de contourner les frontières d'autres aires protégées, en évitant tout chevauchement direct, tout en restant à proximité immédiate de certaines des zones les plus importantes du bassin du Congo en termes de biodiversité et de climat. Cette proximité soulève de graves préoccupations quant aux impacts directs et indirects, notamment le développement des infrastructures, l'augmentation de la présence humaine et la dégradation environnementale associée autour des aires protégées, qui peuvent compromettre l'intégrité écologique, même sans forage direct à l'intérieur de leurs frontières.

La menace qui pèse sur les paysages forestiers intacts de la RDC, qui revêtent une importance mondiale pour le stockage du carbone et la biodiversité, est également très grave. 66,8 millions d'hectares, soit 64 % des forêts intactes restantes de la RDC, se trouvent dans les limites des concessions. L'expansion globale de la couverture des blocs pétroliers en RDC, qui représente désormais plus de la moitié de la superficie totale du pays, constitue une intensification considérable de la pression extractive dans tout le bassin du Congo.

Vue du bord du volcan Nyiragongo, à environ 11 100 pieds d'altitude. La ville de Goma, qui longe le lac Kivu, est visible au loin.

Le Couloir Vert menacé par l'expansion des concessions pétrolières

Le projet de Couloir Vert entre le Kivu et Kinshasa est gravement menacé par les nouvelles concessions pétrolières qui empiètent sur une grande partie de son territoire. Au total, 29 blocs pétroliers couvrent 72 % du Couloir Vert, compromettant l'une des initiatives de conservation les plus ambitieuses de la RDC en empiétant sur des écosystèmes essentiels et en compromettant son intégrité.

RÉPUBLIQUE DU CONGO - SEPTEMBRE 2010. Bonobo dans la réserve de faune de Lomako-Yokokala, République du Congo. Photo par Amy Cobden les cartes

Officiellement créé par décret ministériel en janvier 2025, le Couloir Vert vise à protéger plus de 100 000 km² de forêts primaires et 60 000 km² de tourbières. À l'échelle du territoire, le couloir pourrait servir de puissant tampon contre la perte de biodiversité, les émissions de carbone et la dégradation des sols. Cependant, le projet a été critiqué en raison de l'insuffisance des consultations menées auprès des communautés locales dont les terres et les moyens de subsistance pourraient être directement affectés. Avec l'annonce de l'appel d'offres pétrolier de 2025, la légitimité du Couloir Vert est désormais directement menacée.

Malgré les discours du gouvernement en faveur d'un développement axé sur la conservation, la décision de mettre aux enchères des concessions de combustibles fossiles dans le Couloir Vert menace la réputation internationale du projet et compromet ses engagements en matière de biodiversité et de lutte contre le changement climatique.

Expansion du secteur des combustibles fossiles dans la plus grande tourbière tropicale du monde

Un groupe de hauts fonctionnaires de la République du Congo, de la République démocratique du Congo, du PNUE, de la FAO et de plusieurs autres organisations internationales a examiné la restauration des tourbières gérée par PT Mayangkara Tanaman Industri (MTI).

Photo by Ricky Martin/CIFOR

La Cuvette Centrale est un vaste complexe de tourbières tropicales situé dans le bassin du Congo, à cheval sur la République démocratique du Congo et la République du Congo. Couvrant plus de 145 000 kilomètres carrés, soit une superficie équivalente à celle du Népal, il s'agit du plus grand système de tourbières au monde et le plus riche en carbone, stockant environ 30 gigatonnes de carbone. Outre son rôle essentiel dans la régulation du climat mondial, la Cuvette Centrale est un haut lieu de biodiversité qui abrite une faune très variée et constitue une source de vie pour les communautés locales qui dépendent de ses ressources naturelles.

Malgré son importance, la Cuvette Centrale est aujourd'hui gravement menacée. Les nouveaux blocs pétroliers annoncés couvrent la quasi-totalité de la tourbière, et toute perturbation de ces écosystèmes fragiles risque de libérer d'énormes quantités de carbone stocké, accélérant ainsi le changement climatique et détruisant à la fois la biodiversité régionale et les communautés qui dépendent de sa protection.

Les moyens de subsistance en péril

L'expansion des blocs pétroliers en RDC n'est pas seulement une menace pour la nature, c'est une menace directe pour les populations. On estime à 39 millions le nombre de personnes vivant à l'intérieur des limites des nouveaux blocs pétroliers, dont beaucoup dépendent de leurs terres et de leurs forêts pour leur alimentation, leur approvisionnement en eau, leurs moyens de subsistance et leur identité culturelle.

Il est alarmant de constater que 63 % des forêts communautaires se trouvent désormais dans les limites des blocs pétroliers. Ces forêts sont essentielles non seulement pour la biodiversité et la résilience climatique, mais aussi pour la subsistance, la bonne gouvernance et l'autonomie des communautés. L'extension des concessions de combustibles fossiles dans ces zones risque de violer les droits des peuples autochtones et des communautés locales, d'éroder les systèmes de connaissances traditionnelles et de compromettre l'avenir de ceux dont les moyens de subsistance dépendent de ces paysages.

Un tournant pour l'homme et la nature en RDC

Le lancement décevant du cycle d'octroi de licences 2025 indique que la RDC poursuit son expansion dans le secteur des énergies fossiles malgré l'opposition continue de la société civile congolaise. Ces nouvelles cartes révèlent ce que la rhétorique politique occulte : les activités extractives continuent d'empiéter sur les écosystèmes et les paysages culturels que le gouvernement s'est engagé à protéger.

Les acteurs locaux, notamment la coalition Notre Terre Sans Pétrole, réclament l'annulation immédiate des ventes et des concessions de blocs pétroliers, un moratoire sur l'expansion des énergies fossiles et une nouvelle vision pour le pays fondée sur la paix, la justice et la dignité environnementale. La RDC devrait prendre cet appel au sérieux.

Le gouvernement se trouve à un tournant : il peut choisir de s'aligner sur les objectifs climatiques mondiaux et de répondre aux appels de sa population pour mettre fin à l'expansion des énergies fossiles dans les forêts et les tourbières, ou continuer sur une voie qui risque de causer des dommages irréversibles à la biodiversité, aux communautés et au climat de la Terre.

Ce qui se passera ensuite déterminera l'avenir du bassin du Congo et de la planète.